Raymond Lulle
Combinatoire, Géométrie et Vérité
Cette combinatoire se matérialise essentiellement dans son Ars demostrativa et son Ars brevis, dont le but était de convaincre juifs et musulmans de la Vérité chrétienne par des moyens logiques et imparables à la dialectique. Lulle s’était rendu compte que les méthodes traditionnelles basées sur l’autorité des textes sacrés étaient inutiles.. Lulle décida de substituer les débats herméneutiques et inefficaces par un système basé sur des principes généraux acceptables dans les trois religions, qui avaient comme fondement l’existence d’un seul Dieu nécessairement bon, grand et éternel, qui, en plus, présentait ces qualités à un degré maximal.
Lulle formula trois objectifs au moment de sa conversion à la pénintence (une vie plus ascétique):
1. tenter de convertir les infidèles, et surtout les musulmans, sans crainte d’un possible martyre ;
2. rédiger un livre -‘le meilleur du monde’- contre les fautes des infidèles ;
3. tenter de convaincre le pape, les rois et les princes de fonder des monastères pour la formation de missionnaires.
Le ‘meilleur livre du monde’ contre les fautes des infidèles déboucha sur une œuvre ample, variée et complexe, présidée par l’Art. Comme méthode universelle, l’Art est le fondement de toutes les branches de la connaissance (la logique, la métaphysique, la philosophie, la théologie, le droit, la médecine et les autres sciences de la nature, les arts libéraux et ceux mécaniques, etc.) ; le statut de méthode des méthodes, supérieur à n’importe quelle forme doctrinale antérieure, lui octroie un pouvoir culturellement neutre en tant qu’outil de persuasion rationnelle. L’objectif essentiel de Lulle était de diffuser la Vérité en la faisant immédiatement patente et active parmi les croyants et en l’imposant aux infidèles par la force de l’évidence.
(Source académique : Centre de Documentació Ramón Llull - Universitat de Barcelona)
Nous présentons d'abord les représentations graphiques (anciennes puis modernes (en catalan pour celles-ci), pour mieux visualiser les liens et compositions graphiques) de Ars demostrativa , puis le texte et analyse à leur suite. Ensuite, son Ars brevis.







Ce tableau donne les correspondances entre les lignes, cercles, concepts. Il faut intégrer les couleurs, dispositif essentiel, dont la signification est détaillée ci-dessous. On remarquera, en référence à la Genèse hébraïque, que les concepts commencent par la lettre B, et non par A, car l'Aleph est la lettre du Commencement, le souffle divin originel, et Lulle ne pouvait concevoir un système à la même hauteur que Dieu, c'eut été offensant.

(Source académique : Centre de Documentació Ramón Llull - Universitat de Barcelona)
Triangle Bleu :
· Dieu (unité, essence et dignités)
· Créature (sensoriel, intellectuel et animal)
· Opération (intellectuelle, naturelle et artificielle)
Triangle Vert :
· Différence (entre sensoriel et sensoriel, sensoriel et intellectuel, intellectuel et intellectuel)
· Concordance (entre sensoriel et sensoriel, sensoriel et intellectuel, intellectuel et intellectuel)
· Contrariété (entre sensoriel et sensoriel, sensoriel et intellectuel, intellectuel et intellectuel)
Triangle Rouge :
· Commencement (temps, quantité ou cause)
· Milieu (extrémités, mesure ou conjonction)
· Fin (cause finale, terminaison ou privation)
Triangle Jaune :
· Majorité (entre substance et substance, substance et accident, accident et accident)
· Égalité (entre substance et substance, substance et accident, accident et accident)
· Minorité (entre substance et substance, substance et accident, accident et accident)
Triangle Noir :
· Affirmation (doute sur l’être, le non-être, ou le possible et l’impossible)
· Doute (doute sur l’être, le non-être, ou le possible et l’impossible)
· Négation (doute sur l’être, le non-être, ou le possible et l’impossible)
La Figure T est cruciale car elle est utilisée pour élaborer des solutions grâce à sa combinaison avec d'autres figures. Elle est formée de trois cercles reliés par des triangles de différentes couleurs. Les triangles relient trois concepts : différence, concordance, contrariété Chaque côté des cercles représente trois espèces : sensoriel et sensoriel, sensoriel et intellectuel, intellectuel et intellectuel.
La Figure X, appelée aussi "Figure des Opposés" ou "Figure des contraires et des concordances", est formée par différentes oppositions :
· Prédestination / Libre arbitre
· Être / Privation
· Perfection / Défaut
· Mérite / Blâme
· Supposition / Démonstration
· Etc.
Comme dans la Figure A, les lignes relient tous les termes entre eux. Cependant, comme l’explique Lulle lui-même, ces connexions sont parfois contradictoires et parfois en concordance. Avec cette figure, Lulle illustre le problème que certaines oppositions — notamment la prédestination et la liberté — posent à l’homme.
Les Figures Y et Z sont formées d’un seul concept chacune : vérite et fausseté.
L’Ars conduit à ces deux directions, représentées par ces deux concepts :
· Vers la définition de la vérité de certaines propositions
· Vers la définition de la fausseté de certaines propositions
La structure de l'Ars
L'Ars est structurée pour répondre à des questions. Les réponses sont généralement une combinaison de termes constitués à partir des éléments qui forment l'Ars : les termes, les figures et l'alphabet.
Les termes sont les concepts de base de l'Ars. Par exemple, les Dignités, telles que la Bonté, la Beauté, la Grandeur, l'Éternité ; ou les principes, tels que la Différence, la Concordance, la Contrariété, etc.
Les figures sont des formes graphiques de différents types, telles que des cercles, des tableaux et des triangles, qui forment des combinaisons des éléments internes ainsi que leurs combinaisons avec d'autres figures.
Enfin, l'alphabet est utilisé surtout durant la période ternaire. Il est composé de neuf lettres dont la signification n'est pas fixe, car elle est comprise en fonction de l'utilisation des figures et de leurs combinaisons.
L’usage de l’Ars Une fois les figures et les termes définis, Lulle procède à montrer comment ils sont combinés.
Une partie substantielle des différentes versions de l'Ars consiste à montrer comment les relations entre les figures sont utiles pour construire un argument spécifique ou résoudre une question particulière. Lulle utilise le mot entrer (intra) pour exprimer la manière dont une figure est liée à une autre, utilisant parfois à cette fin une autre figure, généralement la figure T.
Ainsi, dans l’Ars compendiosa inveniendi veritatem, par exemple, il utilise les figures A, S, T et V pour expliquer quelles sont les espèces contraires aux vices. Par conséquent, il explique que si X (l'âme humaine), avec les espèces E, I, N entre dans T en V (figure des vices et des péchés), c’est parce qu’avec l'espèce E, elle comprend (b), se souvient (c) et aime (d) l'abstinence, tandis que par I, elle comprend (g), se souvient (f) et déteste (h) la gourmandise. I forme la patience lorsque b, c, d sont dans l'abstinence, car elle se transforme. Lorsque l'âme entre dans N (elle ne comprend pas, ne se souvient pas, aime et déteste) en A (Dieu), la Perfection et la Justice (le compartiment [Perfection, Justice]) renforcent E et I avec une plus grande concordance par le triangle rouge (égalité).
Cet exemple nous permet de suivre la construction de cet argument par Lulle, fondée sur la combinaison des différentes figures. Il s'agit donc d’un exemple d'une combinaison possible et d'une proposition philosophique valable pour Lulle. En suivant cet exemple, on constate que Lulle utilise la combinaison des figures pour élaborer l'argument expliquant comment l'âme transforme la négation des vices en vertus lorsqu’elle adopte la perfection et la justice en Dieu.
Lulle n’épuise pas toutes les combinaisons possibles dans les différentes versions de l'Ars. Il présente celles qui sont pertinentes pour la construction d'arguments visant principalement à confronter les arguments des infidèles, en affirmant les principes doctrinaux du christianisme. Ainsi, la possibilité reste ouverte pour l’artiste — c’est-à-dire celui qui utilise l'Ars — de découvrir de nouvelles combinaisons et de nouveaux arguments applicables à d'autres contextes.
Ars quaternaire


L’introduction de la Figure Démonstrative dans l’Ars demonstrativa est particulièrement significative, car elle synthétise les autres figures et rend leur relation dynamique.
La Figure Démonstrative est formée de six cercles et comprend un mécanisme permettant la rotation des cercles. Au centre, Lulle place un triangle similaire à ceux que l’on trouve dans la Figure T.
Les deux premiers cercles correspondent à la Figure Élémentaire. Les deux suivants, comportant sept lettres, représentent les Figures A, S, T, V, X, Y, Z. Les deux derniers cercles portent les lettres B–R, qui sont les termes de la Figure S, mais également des Figures A, T, V, X, ainsi que deux autres figures : les Principes de Théologie et les Principes de Philosophie, introduits lorsque l'application de l'Art s'étend à ces deux domaines.
L'importance de la Figure Démonstrative réside dans le fait qu'elle constitue une étape vers l'universalisation de l'Ars, car elle initie un processus d'abstraction plus poussée des principes.
Bien que les termes utilisés dans les figures originales soient conservés, ceux-ci, ainsi que les figures elles-mêmes, ont été remplacés par des lettres. Par ailleurs, cette figure est rotative, ce qui met clairement en évidence le caractère combinatoire de l'Ars.
Enfin, elle ouvre l'Ars au-delà de ses propres principes, permettant son utilisation dans d'autres domaines tels que la théologie, la philosophie et le droit.
Ars Ternaire




L’Ars generalis ultima, rédigée entre 1305 et 1308, ainsi que l’Ars brevis de 1308, établissent les formulations les plus abouties de cette nouvelle version de l'outil de Lulle. Les modifications qu'il introduit dans l'Ars visent à simplifier sa structure et son fonctionnement par une abstraction accrue de ses figures et une réduction de ses éléments.
Un aperçu général de ces changements inclut la réduction des sept figures de base — A, S, T, V, X, Y, Z — présentes dans la première version, à seulement quatre. La disparition de la Figure S, élément essentiel de la première version, est particulièrement remarquable, de même que celle des figures V, X, Y et Z. Dans le cas de la figure V, ses termes se retrouvent dans d'autres sections du texte. La Figure Élémentaire et la Figure Démonstrative, intégrées dans l’Ars demostrandi, sont également supprimées.
Le nom des figures est modifié : au lieu d'utiliser des lettres, elles sont désormais désignées comme Première, Deuxième, Troisième et Quatrième. Dans chacune d'elles, les termes présentés dans les premières versions sont remplacés par des lettres, dont les significations se trouvent dans un « alphabet ». De plus, seuls 9 des 16 termes qu'elles contenaient initialement sont conservés, car la nouvelle base de formulation de l'Ars repose sur un modèle ternaire, et non plus quaternaire.
L'alphabet est un élément central dans la formulation ternaire de l'Ars.Il est composé de neuf lettres — B, C, D, E, F, G, H, I, K — qui, en utilisant les figures, seront organisées pour former des propositions et des arguments, formuler et résoudre des questions.
Chaque lettre possède six termes qui lui sont associés :
Lettre / concept / Question / Signification
B bonté - différence - si ? - Dieu - justice - avarice
C grandeur - concordance - quoi ? - anges - prudence - gourmandise
D durée - contrariété - de quoi ? - ciel - force - luxure
E pouvoir - commencement - pourquoi ? - homme - tempérance - vanité
F sagesse - milieu - combien ? - imagination - foi - paresse (acedia)
G volonté - fin - quelle qualité ? - sens - espérance - envie
H vertu - majorité - quand ? - végétation - charité - colère
I vérité - égalité - où ? - éléments - patience - mensonge
K gloire - minorité - comment et avec quoi ? - instruments - compassion - inconstance
1. Le premier terme de chaque lettre fait référence à des attributs positifs applicables à toute l’échelle des êtres.
2. Le deuxième terme correspond à la définition d'une relation entre des entités (reformulation de l'ancienne Figure T).
3. Le troisième terme représente les Règles et les Questions, constituant l'outil le plus important pour la recherche dans ce modèle, car il sert à formuler des problèmes et leurs solutions.
4. Les trois derniers termes se rapportent respectivement :
· (a) aux sujets abordés par l'Ars,
· (b) aux vertus,
· (c) aux vices.
Les figures sont utilisées pour représenter visuellement les relations entre ces différents termes, de manière similaire à la formulation précédente de l'Ars.
Au total, 54 principes constituent la base de l'ensemble du système, et leurs relations sont établies à travers les figures.
Dans l’Ars generalis ultima et l’Ars brevis, Lulle explique le fonctionnement de l’Ars en deux sections intitulées :
1. Évacuer la Troisième Figure
2. Multiplier la Quatrième Figure
Lulle utilise le terme évacuer pour illustrer la manière dont tous les sens de chaque combinaison sont extraits, en utilisant l’intellect comme agent. L’évacuation commence de la manière suivante :
« En formulant des affirmations, puis en intervertissant les sujets avec les prédicats, et enfin en posant des questions. » .
Processus d’évacuation des significations
1. Formulation d’énoncés à partir du premier sens des lettres de l’alphabet (ex. : B, C → la bonté est grande).
2. Formulation d’un second énoncé en utilisant le premier et le deuxième sens des lettres (ex. : b, B → la différence est bonne).
3. Inversion du sujet et du prédicat (ex. : B, b → la bonté est différente).
Chaque combinaison de lettres génère 12 affirmations au total.
Exemple avec la combinaison BC :
Combinaison Énoncé
B C La bonté est grande
b B La différence est bonne
B b La bonté est différente
b C La différence est grande
B c La bonté est concordante
b c La différence est concordante
C B La grandeur est bonne
c B La concordance est bonne
C b La grandeur est différente
c C La concordance est grande
C c La grandeur est concordante
c b La concordance est différente
Ensuite, les questions correspondant au troisième sens des lettres, selon l'alphabet, sont introduites.
Dans le cas des lettres B et C, ces questions sont respectivement :
· B → si ?
· C → quoi ?
À partir des affirmations précédentes, les questions sont formulées de la manière suivante :
· Affirmation : La bonté est grande
· Question 1 : Si la bonté est grande ?
· Question 2 : Quelle est la grande bonté ?
Ce processus est appliqué aux 12 affirmations, ce qui permet d’obtenir un total de 36 significations possibles pour la combinaison BC. Cette procédure doit être suivie pour toutes les combinaisons de lettres présentes dans la Troisième Figure, afin d’explorer systématiquement toutes les relations logiques et conceptuelles entre les termes de l’Ars.
Les définitions et les règles proposées par Lulle dans le cadre de l’Ars doivent être utilisées pour compléter l’évacuation et donner un sens aux 36 combinaisons possibles.
Il existe 18 définitions au total :
· Neuf correspondent au premier sens des lettres de l’alphabet.
· Neuf correspondent au deuxième sens des lettres.
Exemples des cinq premières définitions (premier sens) :
1. B. Bonté : La bonté est ce par quoi le bien fait le bien.
2. C. Grandeur : La grandeur est ce par quoi la bonté, la durée, etc., sont grandes.
3. D. Durée : La durée est ce par quoi la bonté, la grandeur, etc., sont durables.
4. E. Pouvoir : Le pouvoir est ce par quoi la bonté, la grandeur, etc., peuvent exister et agir.
5. F. Sagesse : La sagesse est une propriété par laquelle le sage comprend.
Les règles correspondent au troisième sens des lettres de l'alphabet.
Chacune de ces questions possède, en même temps, des espèces (species) qui permettent de déterminer le type de réponse attendu ou la nature de la question à formuler. Ces espèces sont essentielles pour orienter la recherche de solutions et la construction des arguments dans l’Ars.
Exemples de questions et leurs espèces associées :
1. "Si ?"
· Possède trois espèces :
· Le doute (dubitio) : Exprime l’incertitude sur une affirmation.
· L’affirmation (affirmatio) : Confirme la véracité d’une proposition.
· La négation (negatio) : Rejette ou contredit une proposition.
1. "Quoi ?"
Possède quatre espèces :
.Définition du sujet : Identifie ou décrit ce qu’est une chose.
· Exemple : « Qu’est-ce que l’intellect ? »
Définition des corrélatifs : Explore les relations entre des éléments.
· Exemple : « Qu’est-ce que l’intellect par rapport à l’âme ? »
Question sur la présence d’une chose dans une autre : Interroge sur l’existence ou la nature d’un élément dans un autre contexte.
Exemple : « Qu’est-ce que l’intellect dans les autres choses ? »
Question sur l’action ou la propriété d’une chose dans une autre : Se concentre sur ce qu’un élément fait ou possède en relation avec un autre.
Exemple : « Que fait l’intellect dans les autres choses ? » ou « Que possède l’intellect dans les autres choses ? »
Pour finaliser l’évacuation de la Troisième Figure, l’intellect doit construire les significations en utilisant ces outils, en suivant les indications fournies par les définitions et les règles. Ce processus permet de donner un sens complet aux combinaisons de lettres et d’approfondir les relations entre les termes.
Exemple avec la première combinaison : BC (La bonté est grande)
1. Application de la Règle C - Formulation de la question
Selon la règle associée à la lettre C (quoi ?), la question issue de l’affirmation "La bonté est grande" est : "La bonté est-elle grande ?"
2. Première espèce de la Règle C – Définir le prédicat
Grandeur est définie comme « un être en vertu duquel la bonté est grande. »Cela explique que la grandeur est la cause ou la raison pour laquelle la bonté atteint cette qualité.
3. Deuxième espèce de la Règle C – Définir le sujet par son corrélatif
La bonté est grande parce qu’elle possède son bonificateur essentiel, son bonifiable et son bonifiant. Cela signifie que la bonté est liée à des éléments internes qui lui permettent d’être perçue comme grande :
· Bonificateur : Ce qui confère la bonté.
· Bonifiable : Ce qui peut recevoir la bonté.
· Bonifiant : Ce qui exerce l’action de rendre bon.
4. Quatrième espèce de la Règle C – Ce que le sujet possède dans le prédicat
Que possède la bonté dans la grandeur ?La bonté possède dans la grandeur son "repos naturel", ce qui signifie qu’une bonté devenue grande atteint un état stable et accompli dans son essence.
5. Troisième espèce de la Règle C – Ce qu’est le sujet dans le prédicat
Qu’est-ce que la bonté dans la grandeur ?La bonté est dans la grandeur en différence et en concordance, car :
· Elle se différencie de ses corrélatifs essentiels par sa propre nature.
· Elle se fusionne avec eux pour former une unité dans son genre et son essence,D’où naît la grande bonté morale.
Résumé du processus d’évacuation pour BC :
1. Affirmation initiale : "La bonté est grande"
2. Question formulée : "La bonté est-elle grande ?"
3. Explication du prédicat : La grandeur est ce qui rend la bonté grande.
4. Corrélatif du sujet : La bonté est grande grâce à ses principes internes (bonificateur, bonifiable, bonifiant).
5. Ce que la bonté possède dans la grandeur : Son repos naturel.
6. Ce qu’est la bonté dans la grandeur : Une réalité différenciée mais en concordance avec ses corrélatifs essentiels, donnant naissance à la grande bonté morale.
Ce processus doit être appliqué à toutes les combinaisons de la Troisième Figure pour obtenir une compréhension complète des relations entre les concepts.
Multiplication de la Quatrième Figure
Pour la Quatrième Figure, Lulle suit une procédure similaire à celle de la Troisième Figure, mais avec des combinaisons ternaires de lettres.
1. Formation des combinaisons ternaires
Les combinaisons de trois lettres sont formées à partir d'une combinaison initiale. Par exemple :
· À partir de B C D, on obtient :
· B C E
· B C F
· B C G
· … et ainsi de suite.
2. Formulation des questions
Pour chaque combinaison de trois lettres (ex. : B C D), il est possible de formuler 20 questions en s’appuyant sur :
· Le premier sens des lettres (attributs fondamentaux comme bonté, grandeur, durée, etc.),
· Le deuxième sens (relations telles que différence, concordance, contrariété, etc.),
· Le troisième sens (règles et questions comme si ?, quoi ?, de quoi ?, etc.).
Chaque colonne du tableau de combinaisons fournit 20 questions distinctes.
3. Exemples de questions pour les combinaisons ternaires :
Combinaison Question formulée
B C D Si la bonté est si grande qu’elle soit éternelle ?
B C b Y a-t-il une bonté si grande qu’elle contienne en elle-même des choses coessentielles ?
C D b Quelle est la grande différence de l’éternité ?
C D c Quelle est la concordance grande et éternelle ?
D b c De quoi consiste la différence de concordance et d’éternité ?
D b d De quoi consiste la différence entre l’éternité et la contrariété ?
4. Résolution des questions
La méthode de résolution suit le même procédé que celui de la Troisième Figure en combinant :
· Les définitions des lettres impliquées (B = bonté, C = grandeur, D = durée, etc.),
· Les règles et leurs espèces (affirmation, doute, définition du sujet, corrélatif, etc.),
· Les significations de l’alphabet associées à chaque lettre.
Exemple de résolution pour B C D – "Si la bonté est si grande qu’elle soit éternelle ?"
1. B (bonté) : Ce par quoi le bien fait le bien.
2. C (grandeur) : Ce par quoi la bonté est grande.
3. D (durée) : Ce par quoi la bonté et la grandeur sont durables.
Interprétation : La bonté est dite éternelle lorsqu’elle atteint une grandeur telle qu’elle persiste sans fin, reposant sur son essence durable et son bonificateur coessentiel.
5. Objectif de la multiplication
Cette multiplication des combinaisons permet d’explorer toutes les relations possibles entre les concepts.
En appliquant le procédé aux 20 questions de chaque combinaison ternaire, on obtient des propositions philosophiques et théologiques variées.Cette méthode vise à construire un système universel de pensée, permettant de résoudre des problèmes dans des domaines comme la théologie, la philosophie, et le droit.
La multiplication de la Quatrième Figure étend la portée de l’Ars en combinant trois concepts à la fois, multipliant les possibilités d’argumentation et d’analyse.
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L’Ars Generalis Ultima et l’Ars Brevis se concluent toutes deux par une série de questions pouvant être formulées, généralement accompagnées d’une illustration montrant comment y répondre en utilisant les mécanismes de combinaison de l’Ars.
Cependant, ces questions ne sont pas les seules auxquelles l’Ars peut répondre. Lulle explique lui-même dans les deux textes que, avant tout, l’Ars est un instrument conçu pour résoudre des problèmes et développer des arguments.
Par conséquent, la majorité des questions résolues mettent en évidence le caractère exemplaire de l’utilisation de l’Ars.
Dans la section consacrée à l’enseignement de l’Ars, Lulle souligne deux points importants :
1. Mettre en avant l’intention de créer un instrument permettant de raisonner sans avoir recours à l’autorité.
2. Savoir expliquer clairement le texte aux étudiants par le raisonnement, sans aucun recours à l’autorité, et les étudiants doivent lire le texte et poser au professeur toutes les questions qu’ils ont à son sujet.