LES PERSONNAGES
Tout lecteur a déjà été confronté à des noms propres (personnages, lieux) difficiles à retenir, à la parenté parfois imbriquée, compliquée pour les noms de famille, nonobstant des noms étrangers, danois, slave, japonais, islandais, ...Une blague d'ado disait que l'annuaire téléphonique (eh oui, cela a existé) était un livre truffé de personnages sans aucune histoire.
Ici, c'est, à vrai dire, histoires et densités de personnages que nous présentons.
A la lecture de la Divine Comédie de Dante, force était de constater qu'avec les 500/600 noms de personnages mentionnés de cette oeuvre, sans qu'ils fussent des personnages actifs de la narration, ils servaient néanmoins de contenu à l'oeuvre dans la forme et dans le fond.
Il n'est pas sur que le public ait bien lu Dante, ni même Balzac, mais pour Balzac, la Comédie Humaine (encore une Comédie) retrace 2 400 personnages sur 90 livres de son oeuvre, avec des personnages qui peuvent apparaître dans plusieurs livres.
Alors si l'on parle d'oeuvres, d'épopées, mais plus contemporaines, regardons vers Emile Zola avec sa fresque des Rougon-Maquart et 1 500 personnes sur 20 romans.
Proust me direz-vous ? 2 000 environ, dans une fresque totale, celle de l’aristocratie, de la bourgeoisie et du monde artistique.
Si tant est qu'un record soit utile, notre cher Jules Romains, avec "Les Hommes de bonne volonté", et 10 000 noms cités.
James Joyce, cas intéressant, avec quelques personnages centraux dans Ulysse, mais plus de 900 personnages nommés ou mentionnés, dans une seule journée à Dublin.
Citons Tolkien et le Seigneur des Anneaux avec 1 000 personnages nommés, mais là, c'est plus "simple" car l'on dépasse le cadre romantique pour être dans la fantasy.
Pour Moby Dick, quelques personnages du bateau, mais plus de 500 noms propres mentionnés (bateaux, marins, peuples...)
. Plus loin dans le temps, mais toujours sur terre et sur l'eau, l'Iliade et l'Odyssée, 1 000 noms environ dans cette mythologie grecque foisonnante de vie, d'épreuves et d'actions héroïques.
Plus près de nous, en Italie, Elsa Ferrante, avec les tomes de "L'amie prodigieuse" et 200 personnages napolitains. Ou même le pavé "2666" de Roberto Bolano, et quelques 400 noms.
Ou classer la Bible ? 2 900 personnes distinctes, plus environ 1 000 noms de lieux, 250 à 300 noms de peuples, tribus, lignées. Le nouveau testament ne compterait environ que 600 à 700 noms (cela est d'ailleurs étonnant, mais bon, pensons à la diversité des textes canoniques, que le chiffre ne soit pas précis).
Beaucoup de chiffres, beaucoup de pages, beaucoup de personnes, sans que cela ne soit une liste à la Prévert, et pourtant tout cela se lit, se savoure, se délecte. On pourrait prendre aussi l'inverse, des livres avec peu de personnages (comme Bartleby le Scribe de Melville) mais l'on aurait plus facilement à l'esprit des oeuvres intimes ou biographiques.
Enfin, il y a une certaine forme de littérature qui imbrique plusieurs histoires dans un même livre, sensées avoir un point commun, et parfois on pourrait se perdre dans les méandres des familles qui s'étalent sur plusieurs générations. La vie des personnages appartient aux romans, retenir les noms appelle l'attention du lecteur.
