
UN SEUL TRAIT
Une ligne de 150 mètres...
Claude Mellan (1598–1688)
L'image ci-dessous est formée d’un seul trait, partant de l’extrémité du nez et se déployant en spirale vers l’extérieur : une authentique prouesse technique en dessin, a fortiori en gravure, où l’on taille une image sur une planche de cuivre à l’aide d’un burin. En variant l’angle du burin et la pression qu’il applique sur celui-ci l’artiste fait ondoyer une ligne circulaire qui, tour à tour, s’élargit et s’amincit de sorte à en faire émerger un visage. Il a ensuite encré cette spirale longue de 150 mètres, s’assurant de bien nettoyer le reste de la planche pour que seul le visage s’imprime.
Des traits plus superficiels et plus espacés ont produit dans ces zones un effet plus estompé ou de retrait. La juxtaposition des surfaces plus sombres et plus claires donne au visage sa tridimensionnalité.
Les inscriptions latines sur l’estampe de Mellan en sont une affirmation. En gravant « FORMATUR UNICUS UNA » (« le seul et unique né de la seule et unique ») en bas du voile, Mellan trace un parallèle entre Jésus – ou, dans la tradition chrétienne, le seul et unique fils né de la seule et unique Vierge Marie – avec sa propre création, qui est la seule et unique image du visage de Jésus réalisée à partir d’un seul et unique trait. Sous le suaire, l’expression « NON ALTER » (« Qui ne peut être imité ») met l’accent, d’un côté, sur la nature unique de Jésus et, de l’autre, sur l’habileté technique hors pair de Mellan. Même la signature de l’artiste participe de l’importance de son statut : « C. Mellan G. P. ET F. IN AEDIBUS REG 1649 » signifie « Claude Mellan Gallicus (ce qui veut dire le Français) a peint et créé ceci au palais du roi (le Louvre) en 1649 ».
(source Musée des Beaux Arts du Canada, Ottawa)

