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LE DICTIONNAIRE DES LANGUES IMAGINAIRES

 

Le dictionnaire des langues imaginaires n'est pas un livre atypique en soi, mais le sujet qu'il y traite l'est davantage, à la fois par la démarche historique qu'il propose, par une certaine exhaustivité des créations humaines autour du langage et de l'écriture, et par sa dimension globale et ontologique : un livre sur ce qui compose les livres. Il référence 3000 entrées, 1100 langues imaginaires dans un volume dense et grand format de 580 pages.

Les deux auteurs, Paolo Albani, Berlinghiero Buonarroti, édités aux Belles Lettres, présentent via leur éditeur leur ouvrage : [ce] dictionnaire des « langues imaginaires » est un étrange corpus : sans limites chronologiques ni géographiques, il s'intéresse aux langues qui, à la différence des langues dites « naturelles », ne nous sont pas apprises par nos parents. Le phénomène des « langues imaginaires » inclut aussi bien langues sacrées (glossolalie, langages mystiques ou extatiques, langage des chamans etc.) que « profanes », les langues universelles comme l'Espéranto et le Volapük, les « pasigraphies » et « pasilalies », ou celles à finalité purement expressive : les langues enfantines, les langues des fous littéraires, les langues des médiums, les langues artistico-littéraires (poésie, théâtre, cinéma, bande dessinée), les langues fantastiques, celles de la science-fiction, les langues expérimentales (Zaum, Dada, le lettrisme) Les 500 auteurs cités vont d’Aristophane (405 av. J.-C.) à Harry Harrison (1988), en passant par Rabelais, Thomas More, Folengo, Jakob Böhme, Kircher, Swift, Holberg, Couturat, Leau,Tzara, Kandinsky, Joyce, Borges, Artaud, Queneau, Isou, Dario Fo... Les grands théoriciens des divers projets de langue parfaite des XVIIe et XVIIIe siècles (Leibniz, Wilkins, Schott...), les inventeurs des langues artificielles des XIXe et XXe siècles (Zamenhof, Schleyer...), les inventeurs de systèmes universels (Dalgarno, Delormel, Grosselin, Becher...) ne sont pas oubliés.

C'est un livre qui se prend à n'importe quelle page pour y faire des découvertes toujours aussi surprenantes les unes que les autres. Un beau livre bien paginé et illustré. Et l'on s'interroge tout naturellement sur ce qui a poussé les hommes de tout temps à engager une démarche écrite, structurée autour d'un premier réflexe : celui de parler, d'écrire, de communiquer. Entre les projets volontaires de créer une écriture ou un langage, et ceux dont la finalité est le secret, le spectre des inventions langagières humaines n'aurait presque pas de limite.

Ce Dictionnaire n'est pas cependant exhaustif. Il a été rédigé en 2001, mais deux auteurs contemporains, Luigi Serafini (Codex Seraphinianus) et Timothy C. Ely (Flight into Egypt) auraient pu magnifiquement compléter cette démarche historique, ainsi que l'écriture du film de Disney "Atlantide", etc. Ce sujet des langues imaginaires serait peu être sans fin. Sur notre site www.ecriture-art.com/secrets.html nous avons repris d'autres exemples, certains de pays éloignés. La richesse infinie du langage nous laisse espérer une histoire qui s'écrit en continu des langues et de l'écriture. Certes chaque année des langues parlées indigènes disparaissent, et malheureusement les nouvelles ne les compensent pas : les premières étant attachées à un peuple, une ethnie, une tradition, alors que les secondes sont presque à certains égards des jeux personnels sans grande portée sociale ou humaine.