Autoréférence

Parcours entre mots, apories, miroirs et circularités

Extraits essentiellement du livre de Douglas R. Hofstadter, "Ma Thémagie" (Interéditions)

Dans le langage courant et usuel, une phrase succède à une autre phrase, que ce soit en prose ou en poésie, dans un énoncé continu, linéaire, progressif. Les phrases de cette introduction en sont un exemple naturel. Néanmoins, dans le parcours des découvertes littéraires de ce site web, nous abordons ici les effets de circularité, de miroir, d'auto-référence (ou autoréférence). L'auto-référence ? Il s'agit là de phrases faisant référence à elles-mêmes par leur contenu propre (la logique et la redondance sont liées ici). Détaillons...

Les phrases autoréferentielles (ou là aussi autoréférentes) s'ajoutent au chapitre des écritures complexes et structurées. Ces phrases deviennent, dans leur construction même, autonomes puisqu'elles s'évoquent directement. Elle prennent vie en parlant d'elles par leur contenu intrinsèque, ou le sens qu'on y lit et interprète. Elles portent inévitablement une ambiguïté par leur formulation propre. Elles sont récursives, contradictoires, réflectives et réflexives, présentent des évidences, des imbrications... Elles peuvent être un jeu, ou apporter des complexités importantes. On les analyse comme une personnification issue de leur contenu.

Les exemples figurant ci-après, simples a priori de formulation et d'interprétation, en apparence, proposent des jeux de langage, de connexions verbales entre les apories, les paradoxes, les contradictions. Par exemple, commençons : "trouver le contraire de contraire"", et un "synonyme de synonyme".

Nous avons tous eu ce premier mot autoréférent dans nos années de collège : "fote d'ortografe" (pour une faute d'orthographe). C'est-à-dire que le mot fote portait en lui sa définition : il contient une faute d'orthographe. Si l'on essayait de trouver un exemple proche de celui ci-dessus, le mot "désrodre" pourrait très bien convenir (pour naturellement désordre). Nous pourrions en trouver d'autres : comme mot (qui est bien un mot), bref, français, polysyllabique, ou blanc (couleurs des lettres ici présentes)... L'exercice devient à la fois plus compliqué quand il s'agit de construire des phrases qui permettent d'élargir le champ de la créativité en la matière, et dont les effets de miroir ne sont pas si évidents à construire.

Nous avons aussi des exemples par Jacques Roubaud (membre de l'Oulipo) qui énonce : "la poésie dit ce qu’elle dit en le disant ", et son application par le premier principe de lui-même (premier principe de Roubaud) : "parler de la contrainte qui est en jeu dans un texte qui la respecte : en effet, l'éternité est sans contraintes (il s'agit d'un traitement 'sémantique' de la contrainte)" (contrainte = contrainte oulipienne).

Un peu plus long et plus complexe : de Salvador Elizondo (Graphographe), grand écrivain mexicain des années 1960
: "J’écris. J’écris que j’écris. Mentalement je me vois écrire que j’écris et je peux aussi me voir voir qui écris. Je me rappelle écrivant déjà et aussi me voyant qui écrivais. Et je me vois me rappelant que je me vois écrire et je me rappelle me voyant me rappeler que j’écrivais et j’écris en me voyant écrire que je me rappelle m’être vu écrire que je me voyais écrire que je me rappelais m’être vu écrire que j’écrivais et que j’écrivais que j’écris que j’écrivais. Je peux aussi m’imaginer écrivant que j’avais déjà écrit que je m’imaginais écrivant que je me vois écrire que j’écris."

Le mot de Gertrude Stein "Une rose est une rose est une rose..." selon José Saramago ne serait pas d'elle mais d'un quidam botaniste. Mais en retenant Gertrude Stein, cela nous fait penser à un mot de Colette "Si j'étais célèbre, ca se saurait".

l'Eternité de Georges Perec Texte du poème ici

Jeu de mot autoréférent : "les lampions sont éteints" est une phrase tout fête.

Nous pourrions mettre également dans les phrases autoréférentes des anagrammes dont le sens est similaire entre la forme initiale et la forme anagrammatique. Quelques exemples d'un auteur créatif sur les anagrammes, Jacques Perry-Salkow (livres chez Actes Sud) :
- le portrait de Dorian Gray / l'arrogant ridé doit payer.
- penser contre soi-même / comme serpenter en soi.
- les chants de Maldorer / l'art choral des démons.
- Monsieur Tout-le-monde / tu es le mouton endormi.
- l'épreuve du bac philo / l'approche bleue du vide.
- l'ancien régime et la révolution / le roi guillotiné creva net, amen.
- etc.

Franz Kafka, sur son lit de mort, alors qu'il souffrait atrocement, dit à son médecin : "Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin."

Voici d'autres beaux exemples de phrases autoréférentes... qui sont en miroir, à l'instar d'oxymores ou d'antinomies, qui ce faisant, nous donnent une lecture des phrases sous différents angles : ludiques, formelles, en profondeur pour analyser les oppositions éventuelles ou les paradoxes (cf. sur ce site le paradoxe du menteur). Peut-on sortir facilement d'une autoréférence ou d'une circularité, des apories ? Parfois non, tant le sens mérite une réflexion qui n'apporte pas toujours de réponse précise.

Allons à la découverte de ces phrases autoréférentes, et là aussi, un petit retour en arrière, après vos années de collège, de lycée, où en cours de philosophie, votre cher professeur vous a posé certainement le dilemme ou paradoxe connu "il est interdit d'interdire" (et naturellement, vous vous remémorez qu'il s'agit de Voltaire). Dans le même style (par l'auteur de ce site) : "j'ai l'habitude d'en avoir aucune".

Cette phrase pas de verbe (Martin Gardner).
 
Aucune généralisation n'est totalement vraie, pas même celle-ci (Olivier Wendell Holmes, XIXe, USA).
 
de JL Borges : "Bertrand Russell rêve que, sur l'un des papiers qu'il a déposés sur sa table de nuit, il lit ces mots" ce qui est écrit de l'autre côté n'est pas vrai". Il retourne alors la feuille et lit "ce qui est écrit de l'autre côté n'est pas vrai".

Ce livre ne sera peut-être compris que par qui aura déjà pensé lui-même les pensées qui s'y trouvent exprimées (L. Wittgenstein). Cela nous fait penser à une phrase de Schopenhauer "La difficulté n'est pas de voir ce que personne n'a vu, mais de penser comme personne n'a jamais pensé au sujet de quelque chose que tous voient."

Le concept de chien n'aboie pas (Spinoza)

Un mot-valise auto-référent : dalmachien, une race canidée.

Une uître avec une coquille (Sylvain Tesson).

Cette phrase contient une faute à la faim.

Je suis schizophrène et moi aussi (plaisanterie de Carl Jung).

pour rien au monde je ne voudrais appartenir à un club qui m’accepterait pour membre (Groucho Marx).

Cette belle robe rouge grenat en satin et dentelle fine à volant est totalement indescriptible.

Je ne suis jamais hésitant, mais au fond je n'en sais rien.

Par le mot par commence ce texte / Dont la première ligne dit la vérité (Poème "Fable" de Francis Ponge).
 
J'ai besoin          d'espace                              pour être écrite.

Les fameuses phrases auto-référentes de Douglas R. Hofstadter :

Cette phrase prétend être un paradoxe d'Epiménide, mais elle ment
(précision : c'est une phrase subtile avec un degré de lecture complémentaire puisque cette phrase autoréférente fait référence justement au paradoxe du menteur qui contredit l'énoncé initial).

Le lecteur de cette phrase n'existe que lorsqu'il me lit.

Cette phrase était au passé.

Cette phrase a comporte deux verbes.

Une préposition. Cette phrase finit par.

Si j'avais fini cette phrase,.

Cette phrase s'écrit avec trente-huit lettres.

Cette phrase compterait cinq mots si elle n'en avait sept de moins.

Je vais mettre un point final à cette histoire.

Cette prophétie va se vérifier.

Cette phrase ne vous rappelle-t-elle pas Agatha Christie ?

Si vous rencontrez cette phrase sur le tableau, effacez la.

Vous venez, bien sûr, de commencer à lire la phrase que vous venez de finir de lire.

Cette formule mathématique n'est pas (une formule mathématique n'est pas une phrase...).

Si cette phrase était écrit en chinois, elle dirait autre chose.

Il ma que des let res pour bien lire c tte ph ase.

Je n'ai rien à quoi faire allusion, et c'est à cela que je fais allusion.

Quelle est la question qui mentionne le mot "parapluie" sans raison apparente ?

Je ne suis pas le sujet de cette phrase.

Je suis la pensée que vous êtes en train de penser.

Je parie que jamais je ne parierai.

Je suis le sens de cette phrase.

La phrase suivante est existe. La phrase précédente existe.

Une autre phrase référentielle que je vous donne : "il y a sept mots, cette phrase n'avait pas encore commencé".

Avec cinq mots de moins, cette phrase ferait cinq mots.

Si vous estimez que cette phrase est confuse, changez juste un cochon.

Cette phrase est auto-référentielle.

Je n'ai rien à dire, et c'est ce que je dis.

Tout l'intérêt de cette phrase tient à ce que l'on veut clairement y faire comprendre en quoi consiste tout l'intérêt de cette phrase.

Une formule mathématique auto-référente assez incroyable ICI

Un exemple célèbre inspiré des mains d'Escher, où ces mains écrivent un ambigramme sur Escher, et constitue une belle oeuvre autoréférente à deux niveaux de "lecture".

mc