Flight into Egypt

Un manuscrit surprenant et inventif créé

>par Timothy C. Ely, avec une écriture inventée.

Ce livre est un exemple contemporain d'un écrivain-graphiste ayant non seulement inventé une écriture mais aussi expliqué le pourquoi de son oeuvre. Son site (aucun contenu) : www.timothyely.com. Lire un article complet ICI (en anglais)

Voir aussi sur ce site l'oeuvre graphique et calligraphique de Luigi Serafini / Codex

Nous évoquerons ici, assez longuement, un autre exemple d'écriture inventée, là aussi par un artiste contemporain. Timothy C. Ely vit dans le nord ouest des USA. Son œuvre, « The flight into Egypt : binding the book », date de 1985 et ressemble par certains égards au Codex Seraphinianus : écriture et graphisme modernes dans une organisation claire et structurée. L'intention de l'auteur est réelle. Textes et graphismes sont organisés, suivant un principe connu d'avance et non aléatoire ou diffus.

L'originalité de son oeuvre et ouvrage réside dans l'écriture, dont le sens est aussi éloigné de nous que celui du Codex Seraphinianus, mais cette fois-ci, l'écriture est de droite vers la gauche, donc inversée. Le sujet étant l'Egypte, il n'est pas étonnant de retrouver dans cette écriture des caractéristiques proches de l'écriture arabe ou sémitique (l'auteur évoque aussi qu'il est gaucher, justifiant un choix que l'on pourrait qualifier de naturel dans une organisation non littérale). D'ailleurs la graphie en est assez proche mais n'est pas de l'arabe ! Les écritures alphabétiques et secrètes se cotoient dans un univers là aussi limpide, cohérent et uniforme.

La particularité de l'artiste-écrivain est qu'il s'est exprimé sur son travail, non en théorisant, mais juste en l'expliquant. Terence McKenna, qui a préfacé le livre de Timothy C. Ely évoque une « glyptoglossie » proche de la glossolalie, cette dernière étant (Encyclopaedia Universalis) : « un phénomène religieux, de type mystique ou paranormal, qui fait que certaines personnes ont le pouvoir de s'exprimer de manière à être entendues et comprises dans une langue qu'elles n'ont pas apprise ou d'utiliser leur langue propre de telle sorte que les auditeurs en sont subjugués et comme envoûtés ». Le néologisme employé, glyptoglossie, serait une écriture cachée qui pourrait prendre un sens. Le préfaceur continue en parlant d'écriture automatique, de cosmologie proche des traditions Soufi, mais en évoquant le caractère cryptographique des mots. De manière poétique, il nous propose pour comprendre le livre et donc le texte « d'entrer dans une confraternité du silence, parmi les éditeurs, les mystiques, les mathématiciens, les musiciens, et les assembleurs de mosaïques ».

T. C. Ely affirme, en postface de son ouvrage : « les mots sont là pour chiffrer, les images pour déchiffrer ». Et de continuer : « le langage dans mes livres vient d'une situation bizarre qui vient d'une position hybride entre l'écriture automatique, le dessin automatique et des marques automatiques ».

Timothy C. Ely avoue que pendant 25 ans il a fait des lettres telles qu'on peut les voir dans son livre, et qu'être gaucher l'a conduit à écrire de gauche à droite pour éviter les taches d'encre. En commençant à écrire dans le sens inverse, son écriture se révéla proche des alphabets asiatiques ou du moyen-orient, et ce qui lui plu fut que cela ressemblait à des écritures codées. Il continue « ca me semblait mystérieux, et j'aimais l'idée de remplir des pages avec une sorte de métapoésie ou de métaphysique. Les langages n'ont pas à être verbaux ou visuels. Ils peuvent être une sensation, ou dans la forme dont ils se représentent ». Il poursuit : « Les caractères parfois sont assignés à une couleur émotionnelle ou à une note musicale. Il y a beaucoup de bruit de fond (= entropie) dans ces caractères, et c'est crucial pour le livre ».

Ce qui au premier abord dans l'écriture nous semblait construit et organisé, est bien une suite de caractères calligraphiés avec spontanéité et limpidité, mais dans un ordre de formation quelconque ne révélant aucun sens si quelqu'un se prêtait à tenter le déchiffrement de l'écriture.

(Merci à Rost Swenson, initiateur de cette découverte)