Raban Maur

Manuscrit du IXe siècle à 5 degrés de lecture,

rédigé par un moine (et évêque) allemand.

Une écriture visuelle polyphonique sacrée remarquable.

Cette imagerie et poésie médiévales théologiques se lit à 5 niveaux, d'une richesse inégalée : contenu, couleurs, formes, sens, numérologie, spiritualité, ...

Hrabanus Maurus dit aussi Raban Maur (780-856), qui signifie en allemand "le corbeau noir", théologien germanique, moine de Fulda puis évêque de Mayence, surnommé "le Précepteur de la Germanie" fut un des artisans de la Renaissance carolingienne, celle de la diffusion du savoir et des "écoles". Ses manuscrits et copies sont à Saint-Gall en Suisse, au Vatican, essentiellement en France (BNF, Amiens...), Espagne, etc.

(image ci-dessous : un texte de base sur la nature du Christ, ses différents noms (en grec, hébreu, en français, verbe et chair, seigneur, principe, fin, alpha et omega, figure de Dieu..., et dans le Christ lui-même et ses attributs un second degré de lecture avec d'autres textes.

L'oeuvre la plus magistrale est Crucis de sanctae de laudibus (Louanges de la Sainte-Croix), une série de vingt-huit poésies théologiques présentant des formes et dessins combinant plusieurs niveaux de lecture très savamment agencés. Raban Maur a ainsi inclus des images figuratives ou géométriques, mettant ses poésies à la gloire de la Parole de Dieu en termes visuels.
On a jusque 5 niveaux de lecture : le texte de base littéral, disposé essentiellement en hexamètres pour permettre l'exacte insertion des textes secondaires, le contenu de l'image ou l'histoire des textes, les dessins graphiques (croix, lettres, triangles, carrés, ronds, symboles, ...) qui ont un sens théologique et symbolique, les textes contenus dans ces graphiques. Parfois on a un 5e niveau de lecture quand les dessins représentent des symboles qui eux-mêmes ont une signification.
La civilisation médiévale est celle des images et du commentaire des saintes écritures. L'oeuvre de Raban Maur est totalement unique depuis plus de 1000 ans. Absolument rien n'est laissé au hasard, et ce travail est tellement unique qu'il faut considérer que les textes de base et de niveau 2 ou 3 devaient coincider en termes de disposition graphique et littérale sur les pages. Les caractères mobiles n'existaient pas encore. Un travail d'une profonde rigueur.

Les symboles, quasiment tous différents, en apparence simples sont des anneaux pour signifier des cycles, la sainteté, des triangles (la trinité), lignes (de la croix), carrés, et des lettres, symboles, etc, mais en fait, comprenant un contenu poétique et symbolique puissant, qui fait corps avec le Christ et l'histoire du Christ. L'oeuvre du moine Raban Maur est un monde à elle toute seule, unique par sa combinaison de textes, formes, couleurs, graphies, symboles, symbolique, histoire, images, numérologie, ...


Cette image fait référence à l'Apocalypse de Saint-Jean avec les 4 évangélistes et l'agneau de Dieu, tous disposés en croix. Dans les cornes de l'agneau on lit les 7 esprits de Dieu mentionnés par Saint Jean dans l'Apocalypse.
On va verticalement de l'évangile de Mathieu (bas) au caractère divin de l'évangile de Jean (en haut). Horizontalement, les deux ministères du Christ, royal et sacerdotal, Marc à gauche et Luc à droite. Le texte primaire commence ainsi fils du Très Haut Père qui brise les traits cruels, donne-moi de chanter religieusement les prières victorieuses de la Croix ; en effet, un doux animal céleste vole par la bouche de Jean, un aigle très secret, et j'ai vu dans ce vrai présage le soleil levant ; il a tiré ce verbe dans la forteresse des cieux. C'est une ode aux évanglistes.

Deux mots : la Croix (Crux) et le Sauveur (abréviation Salvatoris en Salvs). De haut en bas, dans Crux, on lit dans la lettre C "seraphins", R "chérubin", V "Archanges", X "anges", respectant ainsi la hiérarchie des anges. Dans toute l'imagerie, formes, lettres, symboles ont un texte propre, que ces textes soient longs ou des mots.

Raban Maur, devant la Croix qui contient 27 lettres de chaque partie de la croix, en un palindrome, déjà au IXe siècle !. 27 lettres, c'est 3x3x3). Pour ce 28e poème (4, comme symbole de tout ce qui a été créé, multiplié par 7, représentant le divin), il est à genou en signe d'humilité et de dévotion, laissant, après cette image, un texte poétique à la gloire de Dieu exceptionnel de charge émotionnelle. La croix contient le texte : Je prie, ô croix et autel, d'être sauvé par vous

Ci-dessous, son incantation poétique (traduction perfectible et ne pas la rendre trop contemporaine):
En l'honneur de la Sainte Croix, Force toute puissante, haute majesté, armée céleste, Seigneur exalté, grand créateur des anges, Créateur du monde, tu es vraiment le rédempteur des hommes.
Tu es ma louange, ma vertu, tu es toute gloire et tout salut, Tu es roi, tu es maître, tu es un guide et cher maître, Tu es notre berger nourricier, vrai protecteur de ta bergerie. Tu es une part de moi-même, mon sauveur sacré et mon créateur, Tu es le Seigneur, le chemin, la lumière, la vie, la précieuse récompense, la porte du royaume ;
Voix, perception, parole, je répands la vertu avec joie. C'est vers toi que j'ai dirigé et que je dirige maintenant mes paroles, en les accumulant : Mon esprit te parle, toute l'étendue de mon esprit, Ma langue, ma main et ma bouche prient avec joie, Un coeur humble, une vie juste, une volonté sacrée, Tous te louent et te chantent, Christ juste. Car je t'adore, Seigneur, seul et heureux, et c'est ce que je dis humblement à ta croix en guise de salut : Je te prie, espoir, rameau et autel, pour que je sois porté à l'autel, et je prie pour cela. C'est mon ardeur vive, c'est le feu de mon amour, C'est ce que mon esprit demande en premier, cette expression et cette parole, C'est la soif de mon esprit, le grand appétit de dévorer tes paroles : Pour que tu puisses me recevoir pieusement, noble Christ, un serviteur offert sur ton autel, afin que je sois ton sacrifice, Jésus. Pour que je sois ta victime : ta crucifixion me consume tout entier, et ta passion apaise L'agitation du monde, détruit les péchés, supprime la colère, restreint la parole, rétablit les mots de piété. Elle pacifie l'esprit : elle encourage une vie honorable. Car lorsque du ciel entier brillera dans l'Olympe une venue ardente brulera, sa chaleur brûlera les injustes, une tempête hurlera, puis mugira avec sa corne, et devant le monde entier dans l'air apparaîtra le signe de la croix : alors je demande à la croix elle-même de me sauver des flammes vengeresses et de défendre son propre poète de la colère de l'agneau, à qui je chante : c'est à juste titre que moi, Hrabanus, je chante avec les vers de ma bouche, de mon coeur, de ma main, de mon chant mémorable toujours un don : qui m'avait miséricordieusement donné sur l'autel la vie. Lorsque Jésus miséricordieux, du haut de son bûcher, a creusé le soulagement de l'enfer, maintenant, ô Christ, dans l'arc des cieux, donne-moi ce que je demande et espère, et toutes les choses vraies auxquelles je me fie, que tu as promises : je les garde avec piété et foi. Tu es vérité ; tu fais toutes les choses vraies selon l'ordre et la justice. Va maintenant dans les cieux ; tu triomphes en bien dans le ciel. O louanges de l'âme de la croix, toujours et sans fin, restez vigoureuses. Je te demande, ô pieux et miséricordieux jugement, de me garder, moi, Rabanus, en sécurité. Je te prie, branche et autel, que l'on m'y porte, pour prier.
La symbolique 4, pour les 4 évangiles (entre autres).

Raban Maur présente la hiérarchie des anges, deux séraphins en haut, reconnaissables à leur 3 paires d'ailes, et en bas deux chérubins. On peut lire dans la croix, verticalement : voici la forteresse protectrice, voici la sainte oeuvre du salut et horizontalement : Voici ce trone royal, voici la communion du monde.
Sur le séraphin de gauche, on lit les séraphins montrent les signes célestes de la Croix du Christ, et prouvent toutes ces choses sacrées par l'emplacement deleurs ailes, ils préfigurent la croix du Christ selon Raban Maur.
Dans les chérubins on lit en effet ces alliés exultent en célébrant de cette louange le Très Haut : ils chantent en cœur le sceptre des armées par trois fois.


Le chrisme, monogramme des deux premières lettres du Christ en grec, X (chi) et P (Rho) est un des plus anciens symboles chrétiens. Ici dans le Rho, on a la durée de la prédication du Christ qui est inscrite dans une moitié et la durée avant le jugement dernier ou l'antechrist va régner est inscrite dans l'autre moitié. La durée de 1260 jours (règne du Christ) est la somme des valeurs numérales des lettres grecques du chrisme mis en évidence dans cette image (cf. l'apocalypse).
Les lettres représentent aussi les 3 noms du Christ : le Sauveur, Jésus, et Aleteia, la vérité, pour une partie du chrisme, et sur l'autre partie, les 3 noms de Dieu : Dieu, Jésus, l'Oint.