Plus connu, plus accessible si vous me permettez ce terme, il est l'auteur du fameux livre «Zazie dans le métro » et du « Chiendent » (le livre, pas la plante). Mais ce serait passer sous silence (et quel dommage) les nombreux et passionnants livres, romans, pièces, jeux littéraires (oulipiens) qui ont parcouru la vie créatrice de cet homme de lettres et de mathématiques, membre de l'académie Goncourt en 1951, et créateur de la « Bibliothèque de la Pleiade ».
Pour éviter de faire de ce livre la copie moderne de vos anciens livres de français de années de lycée (ou de fac pour certains et certaines), nous n'illustrerons ici que son livre « 100 000 milliards de poèmes », mais avant, un petit détour...
Une anecdote personnelle me revient en mémoire si vous me permettez (de nouveau) cette digression : en 1989 (sans lien avec le bi-centenaire de la Révolution Française), un stagiaire que je formais me parlait d'infinitude de la Bible et de son contenu. Il était en fait Témoin de Jéhovah, et était convaincu que la Bible était pleine de ressources historiques et prédictives. Très ancré dans son idéal, sans envie de discuter plus avant sur une conversation par avance infructueuse, je lui dis que j'avais en possession chez moi, un petit livre, d'une dizaine de « pages » que personne ne lira jamais, ni maintenant, ni pendant des centaines de millions d'années. Il fut calmé, et partit interrogateur, quelque peu ébranlé, et quitta son stage quelques jours après ».
Le livre en question était 100 000 milliards de poèmes de Raymond Queneau (Editions Gallimard).
Il est aussi l'un des plus courts (paradoxalement) de la littérature : 2 pages d'introduction, 10 pages de texte, et 3 pages de postface (par son ami et mathématicien François le Lyonnais). Ces pages de texte sont en fait des vers... découpées en 14 bandelettes (14 car un sonnet est une forme classique de poème en 14 vers). Pourquoi un sonnet ? Il s'agit de la forme la plus historique et littéraire de la poésie (qui a été délaissée depuis, à tort ou non, mais réhabilitée avec brio par Queneau).
Sur l'illustration, vous apercevez que le livre est presque complètement découpé pour permettre de choisir les bandelettes que l'on veut, sauf bien sûr sur le côté gauche, afin de tout relié ensemble au livre. Une page cartonnée permet de « stabiliser » les bandelettes pour tenter de lire un poème au hasard, et de constater que tout rime.
C'est en jouant sur la combinatoire des vers d'un sonnet que Raymond Queneau est arrivé à ce résultat édifiant. En effet, 10 possibilités pour chacun des 14 vers, cela donne au total 10^14 (10 puissance 14) combinaisons possibles, soit 100 000 000 000 000 (ou 100 000 milliards) !
Il s'agit donc du seul livre que personne ne pourra lire ! Ainsi, suivant le calcul de l'auteur lui-même, à raison d'un poème lu toutes les 45 secondes, 8 heures par jour pendant 200 jours, il faudrait pour vous et moi un million de siècles devant nous pour tout lire, et 190 258 751 années si nuit et jour, intensivement, si boire ni manger, ni même lire ce livre, nous lisions systématiquement toutes les formes poétiques issues de cette jolie composition combinatoire. Raymond Queneau précise dans son introduction qu'il n'a pas tenu compte des années bissextiles pour affiner son calcul. Nous lui en faisons grâce, et pour les plus rapides d'entre vous, juste après l'achat de ce livre, toujours disponible chez l'éditeur, vous avez le droit de commencer, mais ni l'auteur du site web ni l'éditeur ne répondront de votre état dans les prochains... siècles.
site web de génération de poèmes
Bibliographie (très) sommaire :
100 000 milliards de poèmes ; Editions Gallimard |
Le chiendent ; Editions Gallimard / Folio |
Les fleurs bleues; Editions Gallimard / Folio |
Le dimanche de la vie ; Gallimard |