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HUMUMENT (TOM PHILIPS)

En 1970, Tom Philips, né en 1937, vivantà Londres, a eu l'idée de créer une oeuvre à part entière sur la base d'un roman (mineur) écrit par  W. H. Mallock (1892) : "a human document". Le livre final (a humument, une contraction du titre original human et document) est une nouvelle histoire avec un nouveau protagoniste du nom de Bill Toge, dont le nom apparaît uniquement lorsque le mot anglais «ensemble» ou «tout à fait» apparaît dans le texte original de Mallock. Cet auteura écrit davantage d'articles économiques (contre le socialisme, le radicalisme, le positivisme et pour la religion catholique) que de romans.

L'oeuvre réalisée par Tom Philips, en 370 pages,a consisté àfaire ressortir un nouveau texte en mettant en valeur dans chaque page du livre original des mots et en masquant les autres par des jeux de formes colorées, de couleurs, de collages. Le texte "inutile" est masqué, opacifié, et seuls quelques mots par page ne sont pas maquillés. Seulement quelques mots car donner de la cohérence à une nouvelle phrase à partir d'une ancienne fait perdre de l'information si l'on raisonnait en nombre de caractères.

L'auteur-artiste écrit dans l'introduction du livre : "J'ai pris un roman victorien oublié et trouvé par chance. J'ai pillé, extrait, etminé le texte [original] pour y faire émergerles fantômes d'autres histoires possibles, scènes, poèmes, incidents érotiques, et catastrophes surréalistes qui semblaient cacher dans les murs de mots. Pendant que je travaillais sur ce livre, j'ai remplacé le texte que j'avais dépouillé de loin avec des images visuelles de toutes sortes. Il a commencé à indiquer et dépeindre, entre autres souvenirs,rêves et réflexions, l'histoire triste de Bill Toge, une des victimes de l'amour."

L'oeuvre est donc un palimpseste moderne : une histoire extraite par des mots d'un matériau de base, rehaussée d'une richesse graphique où chaque page est une découverte pour lire le texte et admirer le travail de l'auteur : couleurs, formes, texte... Le livre en est à sa cinquième édition, avec quelques nouvelles planches, ré-ajustées... mais le principe reste naturellement le même : un nouveau texte apparait d'un autre maquillé. Toutes les pages sont différentes, un travail d'artiste qui a su porter des couleurs, les agencer dans des formes courbes, géométriques avec plus ou moins d'opacité pour bien faire ressortir que le texte original est là.

Quant à la question de savoir si toutes les pages ont du sens, si une autre histoire continue apparait, nous n'en avons pas vu. C'est toujours l'exercice difficile (les oulipiens le savent) de donner deux sens à une même base de travail. Tom Philips est certainement dans ce livre plus artiste qu'auteur (ou co-auteur), mais il a fait émerger un principe nouveau, au-delà du palimpseste, de faire resurgir d'un livre seconde vie, un "recyclage" littéraire et artistique

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