LES LIVRES NUMEROTES
En début ou en fin de livre, pour quelques éditeurs, et suivant les écrivains, ou les artistes qui parfois illustrent le contenu, les éditions numérotées donnent une autre valeur au livre, non pas la valeur marchande à laquelle on pourrait penser, mais celle de relier le livre que l'on tient en main à un objet auquel, sans jeu de mots, l'on tient car, d'une certaine façon, posséder un objet différent, unique car numéroté, en tirage limité, est la partie unique de sa bibliothèque.Ces livres sont souvent imprimés sur du papier de meilleure qualité (nous omettons ici les livres d'artistes qui sont plus du domaine de l'oeuvre unique que du monde des livres accessibles à tous). Et le texte accompagnant la numérotation indique le type de tirage, le papier utilisé, le type de numérotation pour mieux présenter cet acte de mettre le livre dans sa dimension d'objet unique ou de valeur bibliophilique. Et parfois l'éditeur y insère un peu de poésie pour décrire de quelle imprimerie le livre est sorti, quel condition climatiquea-t-il fait à la sortie des presses...
Généralement, l'ensemble du tirage de tête et des séries numérotées constitue l'édition originale. Nous disons séries numérotées car un même livre peut être réparti en plusieurs versions et naturellement plus le tirage est limité plus rare est le livre. Bien sûr, le contenu littéral du livre est identique entre sa version classique ou grand public et celle numérotée, mais pour de nombreux lecteurs, le livre reste aussi un bel objet que le toucher des mains apprécie : qualité du papier, des encres, de la typographie, des odeurs, ...Les différences entre les versions grand public et le tirage limité se trouvent parfois dans l'ajout d'une eau-forte, de dessins, d'une signature de l'auteur, etc.
Même si assez souvent les "petits" éditeurs numérotent les livres (car ils font davantage un travail sur le livre comme un tout où l'écrit et le support sont étroitement liés), les grands éditeurs ont des livres numérotés (parce qu'ils sont aussi emprunts d'une longue tradition littéraire où le livre était plus un objet de culture qu'un objet marchand). Gallimard au premier rang, mais aussi Fata Morgana, José Corti, Denoël, l'Imprimerie Nationale, les anciennes éditions Franco Maria Ricci, Jean de Bonnot, le Mercure de France, ..., encore maintenant Les Belles Lettres, etc.
Il n'y a pas non plus de lien entre la qualité d'un livre et sa numérotation. Par exemple, les magnifiques livres des éditions d'art Guillaud (qui n'existent plus) ne sont pas numérotés et n'ont rien eu à envier aux éditions d'art Franco Maria Ricci (disparueségalement depuis) qui étaient numérotées et imprimées sur du papier fait à la main (au Moulin de Fabriano, Italie).
Certains puristes définiront la qualité du tirage par son nombre en disant qu'au-delà de 600 à 800 exemplaires, sans que cela soit parole d'évangile, la numérotation pourrait être "commerciale", faisant référence implicitement à la loi de l'offre et de la demande de ce qui est rare est cher (ou précieux) et inversement.
L'on trouve aussi des numérotations imprimées en sortie de presse, d'autres où un tampon apposé manuellementmatérialise le numéro d'ordre, et marginalement à la main (si l'auteur n'a pas d'arthtrite liée à son écriture). Paradoxalement, un livre qui porterait le numéro au début aura plus d'attachement à son possesseur que celui qui a un numéro proche de la limite maximale. Le "début" d'une numérotation semble avoir plus de valeur "sentimentale" qu'une "fin" de série". En effet, posséder un livre en édition numérotée signifie qu'il y a peu de livres, et avoir un livre numéroté par exemple 1200 sur 1300 psychologiquement donne moins d'attrait. Ce qui montre finalement le lien étroit entre le lecture et le livre en tant qu'objet à tenir en main au-delà du texte lui-même.
Ce chapitre sur les livres numérotés dans un monde consumériste et rapide, y compris dans l'univers du livre, semblerait anachronique. Mais c'est pour souligner que le marketing d'éditeurs est valorisant par une édition numérotée que par d'autres artifices de vente. Peu d'éditeurs reconnus pratiquent la numérotation, et souhaitons que cette pratique perdure pour soi, pour sa bibliothèque personnelle que l'on fait vivre, pour les éditeurs eux-mêmes et les auteurs, positivement flattés de tirages numérotés car c'est une valeur qui leur est offerte, valeur non pas commerciale mais de reconnaissance autre que celui du compteur des ventes et prix littéraires.
Les tirages de tête ne sont plus que l'apanage de plus petits éditeurs quand des artistes illustrent certains de leurs livres. Les livres simplement numérotés sont moins fréquents : sur le site Galerie Gallimard les livres numérotés ne sont plus tout récents, alors que la production de Gallimard resteconséquente.