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LE SALON DU LIVRE

Si de très nombreuses villes ont leur salon du livre (ou foire aux livres), celui de Paris lancé en 1981, en tant que plus grande librairie au monde le temps de quelques jours est un évènement, à défaut d'être atypique ou grandiose, celui où se côtoit, comme tout salon professionnel, beaucoup de monde d'univers différents (mais liés entre eux), en l'occurrence les éditeurs, les lecteurs, les métiers du livre, les diffuseurs, et autres professionnels (à l'exception peut-être des imprimeurs mais dont le travailest désormais plus la prestation technique que celle orientée vers le partenariat imprimeur/éditeur). Les chiffres bruts d'un tel Salon ne sont pas représentatifs et seraient réducteurs de l'objectif initial d'être une référence globale. Qu'il y ait 100 ou 200 éditeurs ne changerait rien, sauf à dire que 80% des éditeurs français seraient présents (ce qui n'est pas le cas compte tenu des coûts d'exposition à s'acquitter et de la fragmentation du secteur). Il en serait de même pour les lecteurs ou les libraires. Ce qui est intéressant d'observer est cet écosystème (pour parler un langage socio-économique) autour du livre, et qu'il est bien plus riche que la plupart des secteurs, montrant qu'un livre, objet banal et quotidien s'il en est, est le produit (le fruit plutôt) d'un long process (encore malheureusement un mot économique) entre l'écrivain, le traducteur éventuel, l'éditeur, l'imprimeur, le diffuseur, le libraire, le lecteur, le critique littéraire, etc.

Il est agréablement surprenant de voir ce qu'est le lectorat en France à travers ce que nous pouvons penser être un échantillon de la France : tous les âges, toutes les conditions sociales, et ce goût pour le livre fait de la France cette exception culturelle, mais néanmoins ouverte au monde car chaque année un pays est à l'honneur. Non que la France ait réussi son ouverture au monde sur un plan économique, mais les frontières littéraires sont quasi ancestrales avec les voyages au long cours et l'époque des Lumières où les premières traductions sont apparues (Mille et une nuits de Galand par exemple). Paris, et la langue française, qui furent longtemps le creuset culturel mondial, bien au-delà de l'exposition universelle de 1889, a réuni des écrivains ouverts au monde, du moins des découvreurs de talents et corrélativement à amener des traducteurs à proposer des livres du monde entier, faisant de la France un terre culturelle propice à l'expression de la création littéraire (essentiellement en fictions et poésie).

Si la vocation d'un tel Salon, par son ampleur, fait chaque année prendre conscience que le poids du livre (au moins en France) est toujours présent dans nos économies mondialisées, télévisées, digitalisées, internetisées (il fallait oser) et qu'il contribue à l'essor des librairies, même si elles ont tendance à promouvoir les "blockbusters" pour assurer le minimum de vente, alors le livre aura de beaux jours devant lui. Les auteurs, les matières, les traducteurs, les programmes universitaires, les découvertes, les "modes", les nouveautés, ... sont autant de vecteurs à l'essor du livre (même si la crise n'épargne presque aucun secteur de la consommation grand public). Et un dernier point : félicitons-nous du prix unique du livre qui éviterait un nivellement par le bas de la qualité éditoriale. Grâce à un environnement du livre organisé, salon ou pas, c'est le livre qui en sort grandi et la culture française, non par chauvinisme, mais parce que peu de pays dans le monde peut s'enorgueillir de donner tant de place à la diffusion écrite.