LES LIVRES, MATIERES & FORMES
Une couverture, des pages, des caractères, des chapitres, des lignes, des mots... ainsi pourraient se qualifier les livres ordinaires. Mais tous les livres ne sont pas ordinaires au même titre que tout l'immobilier n'est pas composé de briques, parpaings, et de toiture préfabriqués. Il est aussi riche que le sont les églises, cathédrales, chateaux, maisons à colombages, etc. Pour le livre, au sens noble du terme (ce qui ne veut pas dire élitiste), l'on trouve également de la belle ouvrage (ou plutôt les livres ont été exclusivement bien édités, imprimés, reliés et l'avènement du livre de poche et de la diffusion de masse des livres ont réduit la qualité même du support physique).A l'instar de l'architecture dont nous évoquions quelques réalisations, le livre a un vocabulaire très riche le concernant. Citons, sans que cela ne soit une liste à la Prévert, la coiffe, le contreplat, la chasse de gouttière ou de tête, le chant... pour la couverture, les reliures plein cuir, velin, brochées, reliées, cartonnées..., les formats in-folio (cela ne vous fait-il pas penser à une célèbre collection chez Gallimard ? ...), in-quarto (une autre collection...), in-octavo, etc., les dorures, la tranche, les ex-libris, sans parler des différents papiers, qualités, grammages, impression (linotype, monotype, typographique...), fonte de caractères, etc. Il y a bien un "métier du livre" qui malheureusement s'oublie (à l'instar de nombreux métiers artisanaux).
Quelques éditeurs gardent cette tradition : Gallimard (avec notamment la Pleiade) et pour l'ensemble de sa production, Moleiro (Barcelone), Jean de Bonnot (Paris). Ils perpétuent en ce sens la qualité du livre. Il fut un temps, l'Imprimerie Nationale éditait et imprimait de beaux livres (littérature et poésie) à pri x trèsabordables, pour de très belles réalisations, mais le virage numérique a eu raison de cette activité, et l'Imprimerie Nationale a changé significativement de visage et de type de prestations (sécurisées, informatiques...). Même si pour des raisons de coûts de production, ces éditeurs sont limités par les droits d'auteur, le travail de Jean de Bonnot (éditeur) mérite toute notre attention, nonpour en faire de la publicité, mais pour l'exemple que les beaux livres en France ont un bel avenir car le public reste encore très attentif aux belles choses.
L'on ne voit plus beaucoup en librairie de beaux livres, non pas les beaux livres d'art tels qu'indiqués en haut des rayonnages en libraire, mais ceux où la couverture, le papier, les fontes de caractères ont été travaillés, de beaux livres que l'on aime bien prendre en main, toucher, sentir, prendre son temps pour les ouvrir, les parcourir et sentir une âme "livresque" (pour ne pas employer bibliophile qui serait dans note propos trop élitiste). Et paradoxalement, l'on voit depuis peu dans des magasins grand public (librairies, récréations culturelles...) des livres blancs pour prendre tous types de notes, textes, journaux intimes... dont la couverture, bien qu'en carton, soit présentées à l'instar des livres anciens, des fac-similé de livres anciens. Si le grand public devient sensible aux livres dans sa forme et sa matière, alors espérons que des éditeurs grand public auront l'audacede refaire de beaux et vrais livres (dont il faut avouer parfois pour certains que la tentation est grande, voire impérieuse, de faire imprimer en Chine, en Inde... pour réduire les coûts). Ces exemples sont (malheureusement)réels, par exemple Camblain Chatelain (aujourd'hui disparu). Après, c'est une question de choix, mais vouloir acheter un beau livre imprimé en Chine, avouons que le charme disparait.
Gallimard avait initié une démarche marketing originale dans sa collection de poche Folio au moment des fêtes et présentait des livres et couvertures sortant de l'ordinaire (papier scintillant, couverture en tissu noir incrusté de pierre en verre, etc.). Espérons également que l'avenir puisse être plus créatif et plus riche que le marketing de fêtes.